Rapport de la Chambre Régionale des Comptes : la Ville de Paris navigue à vue !
La Chambre régionale des comptes (CRC) a évalué la politique de la Ville de Paris pour réduire le volume des déchets ménagers et assimilés, afin de se conformer à la loi et aux objectifs du Plan local de prévention des déchets.
Or, depuis 2016/2018 la Ville n’y parvient plus, notamment parce qu’elle pâtit d’un manque criant d’organisation, de méthode et de culture de l’évaluation.
Ainsi, la juridiction constate que Paris est l’unique commune de France à disposer de 6000 éboueurs affectés à la fois à la collecte des déchets ménagers et au nettoiement, qui sont deux métiers différents. Compte tenu de cette spécificité, et faute d’outils d’analyse adaptés, il est impossible pour les services d’évaluer le coût réel et l’efficacité du travail consacré à ces deux missions, ni d’améliorer leur gestion des ressources humaines et matérielles.
Au surplus, la Ville, qui s’occupe directement de la collecte des déchets dans la moitié des arrondissements parisiens, délègue à 5 entreprises titulaires de marchés publics la gestion des autres arrondissements. Ce qui permet à la CRC d’indiquer que les coûts de la collecte effectuée par les services de la Ville sont « significativement plus élevés que ceux des prestataires privés ». Une analyse qui avait déjà été faite par la Ville elle-même en 2015 !
Le coût moyen de collecte de déchets (résiduels et multi matériaux) était en moyenne de 124 € / tonne pour les prestataires privés contre 144 € / tonne de déchets résiduels et 344 € / tonne de multi matériaux collectés par les services de la Ville !
La Ville dresse donc un constat sans en tirer les conséquences : soit optimiser la gestion des missions qu’elle gère directement, soit déléguer tout ou partie de la collecte des déchets à des prestataires extérieurs.
Pourtant, notre groupe demande depuis longtemps une étude sur l’externalisation totale de la collecte des déchets car il y a une rupture d’égalité de traitement entre arrondissements. Sous-traiter la collecte au secteur privé permettrait de fixer des contrats d’objectif et de déployer le personnel de la ville vers le nettoyage de l’espace public. Les deniers de la Ville s’en porteraient mieux, et le service rendu serait de meilleure qualité.
La Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) détournée de son objet
Alors que 8 Parisiens sur 10 considèrent que leur Ville est sale, selon un sondage Ifop publié en octobre dernier, la Ville de Paris trouve le moyen de ne pas consacrer l’intégralité des montants collectés via la TEOM à la propreté de Paris.
Chaque année, c’est entre 7 et 11% de cette taxe, soit 74 millions d’euros en 2020, qui n’ont pas été employés pour assurer la collecte des déchets et le nettoyage de la ville. Et alors que les montants collectés au titre de la TEOM doivent être intégralement consacrés à son objet, quitte à en diminuer le taux si elle est trop élevée.
L’exécutif se défend en arguant d’une pratique tolérée par la jurisprudence et donc légale. Mais, le service rendu n’est à l’évidence pas d’une qualité suffisante pour légitimer un tel écart au bénéfice des finances municipales !
Par ailleurs, les magistrats constatent que la Ville, bien qu’ayant postulé à un appel à projets lancé en 2020 par l’ADEME, n’a pas encore mis en place une tarification incitative comme le lui autorise la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La Ville n’utilise pas les outils à sa disposition pour améliorer la gestion des déchets et cela s’en ressent avec les volumes qui augmentent, et la saleté qui s’aggrave.
Collecte des biodéchets : Paris doit accélérer
La présentation du rapport de la Chambre régionale des comptes est l’occasion pour le groupe Changer Paris d’alerter la Ville de Paris sur le retard qu’elle prend au sujet des biodéchets.
La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire oblige, au plus tard au 31 décembre 2023, les collectivités territoriales à mettre en place un tri à la source des biodéchets, puis leur valorisation. Or la Ville, qui n’a plus que 18 mois pour se mettre en conformité, n’a toujours pas idée du volume qu’elle aura à collecter, ni de la manière avec laquelle elle pourra les récolter.
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