Présidente du groupe d'études Métiers d'art du Sénat, très attachée à l'extraordinaire richesse de nos savoir-faire nationaux, j'ai tenu à attirer l'attention de la Ministre déléguée chargée de l'industrie, Agnès Pannier-Runacher, sur la réglementation européenne RoHS et son application au cristal.
En effet, les manufactures françaises de cristal sont au cœur du patrimoine économique et culturel de notre pays, dépositaires de savoir-faire exceptionnels inscrits depuis 2019 au patrimoine culturel immatériel de la France, et reconnus par le label d'Etat "entreprises du patrimoine vivant".
Ces manufactures emploient directement, en France, près de 1 800 salariés directs, et génèrent près de 5 000 emplois indirects.
Ces entreprises, bien que fragilisés par la crise qui touche notre pays, ne se sont jamais opposées aux évolutions des contraintes environnementales définies tant par les réglementations nationales qu'européennes, et ont toujours fait les efforts nécessaires pour s'adapter.
Précisons que la directive 2002/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 2003 dite RoHS ("restriction of hazardous substances directive") pourrait avoir des conséquences extrêmement graves pour l'avenir de cette filière. Considérant que parmi les six substances visées par cette réglementation, figure le plomb dont l'oxyde entre dans la composition du cristal et, en l'espèce, dans celle des luminaires, susceptibles de voir leur mise sur le marché européen interdite à très courte échéance.
J'ai donc demandé à ce que la France appuie la démarche des cristalliers français et de leurs homologues européens auprès de la commission européenne (dossiers déposés en décembre 2019) afin que l'application de la prochaine directive relative aux luminaires, lustres, lampes, appliques mais également montres ou horloges, contenant des éléments en cristal, puisse intégrer l'exemption spécifique déjà accordée pour cinq ans en 2011, renouvelée en 2016 jusqu'en juillet 2021.
Les cristalleries françaises font partie intégrante de notre patrimoine vivant. Elles sont l'incarnation du savoir-faire et de l'art français, en particulier la cristallerie de Baccarat fondée en 1764 par Louis XV. C'est notamment ce qui avait motivé l'intervention des services du ministère de l'Industrie il y a quelques mois pour pérenniser son activité.
L'expiration de l'exemption en cours, au 21 juillet 2021, a conduit la Commission à engager un processus d'évaluation : celui-ci est toujours en cours, du fait du retard accumulé de la Commission lié au nombre élevé de demandes d'exemptions (pour l'ensemble des substances visées par RoHS). La consultation des parties prenantes s'étant clôturée le 8 juin, une décision n'a pas été stabilisée pour le 21 juillet.
En tout état de cause, dans l'attente d'une telle décision, la directive RoHS précise expressément que « l'exemption existante reste valable jusqu'à ce qu'une décision sur la demande de renouvellement ait été prise par la Commission ». Quelle qu'en soit l'issue, le rapport d'évaluation de la précédente exemption octroyée en 2016 avait confirmé que des travaux de recherche pour des alternatives étaient bien en cours, mais que ces travaux nécessiteraient encore 10 ans pour déboucher sur une solution à performances équivalentes au plan technique et environnemental et reproductible à une échelle « industrielle », ce qui rend légitime la demande d'exemption des producteurs pour une période de 5 ans.
Dans le cas d'artisanat d'art, d'autres contraintes liées à la préservation de savoir-faire spécifiques peuvent également légitimer un traitement particulier. Le ministère est particulièrement vigilant à ce que le processus d'évaluation des alternatives s'inscrive dans une approche pragmatique tenant également compte de la situation économique actuelle et des incertitudes sur la capacité à industrialiser ces alternatives. La ministre de l'Industrie a adressé au Commissaire européen Sinkeviius, compétent sur ces questions, un courrier visant à lui faire part de la sensibilité des autorités françaises à ce sujet.
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