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Photo du rédacteurCatherine DUMAS

Impact de la crise sanitaire sur les musées nationaux et perspectives pour le Grand-Palais

Dernière mise à jour : 14 mai 2020



La Commission Culture du Sénat auditionnait, ce lundi 20 mai, par visioconférence, le président, Chris Dercon et le Directeur général, Emmanuel Marcovitch, de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais (RMN-GP). L’occasion de faire le point sur l’impact des mesures de fermeture liées au coronavirus sur les musées nationaux ainsi que sur les projets en cours pour le Grand Palais.


Chris Dercon a indiqué que la RMN-GP subissait de plein fouet l’impact de l’épidémie de Covid-19. Il a précisé que les événements prévus dans la grande nef du Grand Palais avaient été, selon les cas, annulés ou reportés. Il prévoit que l’établissement enregistre un déficit de 33,7 millions à la fin de l’année, qui pourrait être supérieur si les événements prévus dans la grande nef ne pouvaient pas se tenir.


Emmanuel Marcovitch, a rappelé le statut d’EPIC de l’établissement, dont 85 % du budget provient de ressources propres. Il a souligné que c’était la première fois de son histoire que pratiquement l’ensemble des activités de la RMN-GP étaient interrompues, qu’il s’agisse de ses missions de service public (menées pour son propre compte ou à destination des musées nationaux dont elle est partenaire et au sein desquelles elle est chargée de l’organisation des visites-conférences et des prises de vue) ou de ses activités commerciales (boutiques de musées, qui constituent la moitié de son chiffre d’affaires annuel, éditions d’art, location du domaine public). Seuls les activités de vente en ligne et le travail d’éditeur ont été légèrement poursuivis pendant la période. Il a indiqué que les pertes avaient été partiellement limitées grâce à l’autorisation qui avait été accordée à l’établissement de recourir au dispositif d’activité partielle pour 300 de ses salariés (la différence de salaire ayant été compensée par l’établissement pour maintenir une rémunération de 100 %).


Chris Dercon a ajouté que les établissements culturels s’attendaient à voir une réduction de l’apport lié au mécénat qui commencerait à se faire sentir à partir du second semestre, et qu’il serait nécessaire de construire un nouveau discours à destination des mécènes pour leur faire valoir ce que leur investissement dans le domaine de la culture pourrait leur apporter, non pas tant en termes de responsabilité sociale, mais de coopération sociale.


Il a indiqué que les conséquences financières de l’épidémie pour l’établissement continueraient probablement de se faire sentir au-delà de 2020, et qu’il anticipait des difficultés également en 2021. L’établissement sera sans doute obligé de réfléchir aux modalités d’évolution de son modèle financier, d’autant que ses réserves de trésorerie ne lui permettraient pas de faire face au-delà de quelques mois. Il a jugé indispensable que l’État compense une partie des pertes. Il a rappelé les mesures exceptionnelles mises en place par l’État à la suite des attentats de 2015 pour compenser les pertes financières liées aux baisses de fréquentation, ajoutant que l’impact financier de la crise sanitaire actuelle est d’une ampleur bien supérieure.


Chris Dercon a indiqué que l’établissement travaillait aujourd’hui activement dans l’objectif de reprise de l’activité. Plusieurs musées nationaux en régions devraient rouvrir leurs portes d’ici le début du mois de juin, sur la base d’un travail concerté avec les collectivités territoriales concernées, notamment autour des questions liées à la mise en place du protocole sanitaire. Le Grand Palais espère rouvrir au début du mois de juillet. S’agissant du musée du Luxembourg, il rouvrira ses portes au mois de septembre, une fois les travaux, déjà prévus cet été, achevés. Les expositions ont pu être décalées dans le temps grâce à la solidarité des prêteurs français et étrangers. Le calendrier des expositions est, en conséquence, reporté de quelques mois.


Chris Dercon a fait part d’un certain nombre d’incertitudes une fois les établissements rouverts. La principale concerne le niveau de la fréquentation, sachant que l’application des consignes sanitaires imposera de toute façon de réduire les jauges par rapport à la normale pendant une période indéterminée après la réouverture. Compte tenu de l’absence de tourisme international, la RMN-GP anticipe une baisse de la fréquentation de deux tiers au second semestre 2020. Chris Dercon a également évoqué les incertitudes sur la possibilité d’organiser des visites guidées conduites par des guides conférenciers à court terme. Il a souligné le casse-tête de l’organisation des files d’attente pour respecter les règles de distanciation, rappelant qu’il s’agissait d’un souci, également pour les « petits » musées. S’agissant des grands événements prévus dans la nef à compter de septembre 2020, il s’est interrogé sur l’attitude qu’auraient à la fois les galeries et le public.


Il a appelé le Gouvernement à faire en sorte de garantir que les foires d’art prévues à Paris à l’automne se tiennent, alors que de nombreux pays étrangers avaient décidé d’annuler leurs événements prévus plus tôt dans la saison. Il a estimé qu’il s’agissait d’un enjeu essentiel pour maintenir la place de Paris sur le marché de l’art, en recul ces dernières années. Il s’est d’ailleurs inquiété des difficultés financières des galeries d’art, susceptibles de s’aggraver encore à l’automne, face aux moindres capacités financières des collectionneurs. Il a jugé nécessaire qu’elles bénéficient d’une aide de l’État pour éviter des fermetures massives.



Interrogé sur les futurs travaux du Grand Palais, Chris Dercon a souligné le caractère impératif de ces travaux pour éviter le risque d’une fermeture définitive de l’établissement. Il a fait valoir que le montant des travaux n’était pas disproportionné au regard de la surface du projet (70 000 mètres carré). Il a indiqué que ce projet devait permettre, comme le lui a demandé le ministre de la culture, de faire émerger à Paris un musée unique, moderne et adapté aux usages de demain. L’accès à une partie du bâtiment historique sera gratuit pour permettre au public de découvrir ce trésor architectural. Il souhaite que le Grand Palais devienne le lieu de présentation de la « culture dilatée », estimant que le public de demain ne hiérarchisera plus les disciplines et fréquentera autant le musée pour se rendre à un salon de gastronomie, une foire d’art contemporain, ou visiter de grandes expositions, qu’elles soient scientifiques, artistiques ou à visée écologique.


Il a rappelé que les travaux visaient à reconnecter le Grand Palais, non seulement avec le Palais de la Découverte, mais également avec son environnement extérieur – le Petit Palais, les Invalides, les Champs-Élysées – dans l’objectif de faire émerger un « campus » : d’où des réflexions sur la piétonisation d’une partie des espaces environnants.


Il a confirmé que le calendrier n’était pas remis en cause, compte tenu de la nécessité d’être prêt pour les Jeux olympiques de 2024. Il a indiqué que les premiers travaux, qui avaient débuté dès avant la fermeture totale de l’établissement prévue pour 2021, avaient été interrompus pendant la période de confinement, mais devraient reprendre cette semaine.


Il a précisé que la crise sanitaire avait conduit à revoir le déroulé des travaux. D’une part, le projet était simplifié autant que possible pour garantir que l’enveloppe budgétaire serait tenue. D’autre part, un travail était en cours avec l’architecte en chef des monuments historiques pour rendre plus compatible les modalités d’accueil du public avec les impératifs de distanciation. En effet, il estime qu’il s’agit d’un enjeu que les musées devront dorénavant intégrer dans leurs projets architecturaux, insistant sur le fait que l’épidémie de Covid-19 se traduirait par des évolutions profondes en matière d’architecture.


S’agissant du Grand Palais éphémère, il a rappelé que la construction de ce bâtiment provisoire était réalisée par GL Events, sur la base d’un projet conçu par JeanMichel Wilmotte. Le montage de la structure doit débuter cet été, pour une installation début 2021, lorsque le Grand Palais fermera pour travaux. Les grandes manifestations s’y tiendront jusqu’à la réouverture du Grand Palais. Chris Dercon a mis en avant le large travail de consultation qui avait été organisé avec les riverains pour dissiper leurs inquiétudes.


Interrogé sur les actions menées par l’établissement pour favoriser le retour du public après réouverture, Chris Dercon a insisté sur sa volonté de communiquer autour de l’intérêt du musée comme lieu de convivialité et de rencontres en familles et entre amis, estimant qu’il s’agissait d’un vrai lieu de partage, au-delà même des expositions (boutiques, restaurant). Il a par ailleurs mis en avant la manière dont était conçue l’offre en ligne, qui a pour but de donner envie au public d’approfondir sa visite virtuelle par une véritable visite de l’exposition.


Il a enfin souligné que la situation des institutions muséales dans plusieurs pays étrangers, tels que les États-Unis, le Royaume-Uni ou l’Italie, était sans doute plus dramatique encore qu’en France, compte tenu de l’ampleur de l’épidémie et des retards qui avaient été pris dans la mise en place de mesures de confinement. Il en a conclu que le prêt d’œuvres au niveau international allait être plus délicat dans ce contexte, et qu’il lui paraissait important qu’un travail ambitieux soit mené, en France, pour faciliter la circulation des chefs d’œuvre entre les territoires.

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